Les fours à chaux de Forcé

Quiconque aime s’aventurer sur les bords de la Jouanne à Forcé, connait le four à chaux du Rochevier. Un site aujourd’hui silencieux mais qui jadis a surement résonné d’une importante activité.

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L’existence de fours à chaux est attestée dès le XIVe siècle en Mayenne mais la chaux était employée uniquement dans la construction. Son utilisation intensive dans l’agriculture date du XIXe siècle et des grandes transformations agraires. Auparavant, les sols mayennais étaient tellement mauvais qu’ils devaient être laissés en jachère pendant plusieurs années pour être de nouveau cultivables. L’usage de la chaux permit de faire disparaître la jachère et d’augmenter la production agricole. Vers 1820-1830 la Mayenne suit l’exemple du Maine et Loire et se tourne vers le chaulage de ses terres pour augmenter les rendements agricoles. La découverte de gisements d’anthracite dans le bassin de Laval permet de faire face à la forte demande de combustible : de multiples fours à chaux sont alors construits dans le département. On dénombrait 273 fours dans le département en 1870, contre 44 en 1825. Ces fours se concentraient essentiellement autour de Laval.

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En 1853, Arsène RICOSSET, fait construire un four à chaux sur sa propriété de Rochevier. Deux éléments doivent être obligatoirement réunis pour produire de la chaux : du calcaire et un combustible ; du charbon de bois ou de terre. Les rochers calcaires qui s’élèvent sur la rive droite de la Jouanne sont la principale raison du choix du site. L’ensemble des éléments qui composaient l’exploitation a été conservé : une carrière de pierres pour extraire le calcaire, un four et la maison du chaufournier à quelques mètres.
Les chroniques du père SAGET présentent la construction du four comme une nouvelle manne pour la commune et ses habitants « malheureusement déshérités des avantages qu’ils trouvaient dans l’usine si célèbre de la Mazure ».Un peu plus loin dans la même chronique, le père SAGET ajoute que « le pays a vu s’élever avec bonheur cette usine qui fournira à la terre un aliment puissant, car la chaux provenant du calcaire de Forcé est généralement appréciée par les agriculteurs. »
Les travaux s’achèvent en 1893. Avant de mettre le feu au fourneau, le propriétaire souhaite établir une statue de la vierge sur le fronton du four. C’est l’occasion d’une fête religieuse pendant laquelle les curés de Forcé et de Bonchamp procèdent à la bénédiction du fourneau sous le regard des ouvriers « armés de leurs outils ». Le Maire de la commune est également présent. La journée se termine par un banquet, où Monsieur RICOSSET avait réuni de nombreuses familles, les notables et les autorités. Les convives trinquèrent, n’en doutons pas, à la prospérité de l’entreprise. Une scène qui témoigne bien de l’esprit paternaliste du patronat de l’époque.
Nous possédons peu d’éléments permettant de donner une idée précise de l’activité du site. Les dimensions du four sont assez modestes comparées aux fours à chaux de Parné-sur- Roc ou de Louverné où la production s’était réellement industrialisée. Quoiqu’il en soit, le procédé de fabrication de la chaux se décline en quatre étapes. Une fois les pierres extraites, la première étape de fabrication consistait à construire une voûte dans la partie inférieure du four, au-dessus du foyer. Dans la deuxième étape, les chaufourniers amoncelaient alternativement les pierres et le charbon sur la voûte à partir de l’ouverture pratiquée au sommet du four et appelée gueulard. Ils parvenaient au sommet avec leur chargement au moyen d’une rampe aménagée dans le remblai, à côté de la construction. Une fois que le four était plein, le feu était allumé et alimenté pour faire monter progressivement la température à 1000 degrés. Pour accélérer la cuisson, les fours étaient tapissés de pierres réfractaires. Au cours de cette phase, le calcaire transformé en chaux descendait vers la base du four où il se refroidissait. Les chaufourniers laissaient la chaux refroidir pendant quelques jours avant de vider le four par les ouvertures voûtées en enlevant les cendres et en récupérant les briques de chaux qui étaient cassées à la barre à mine. Les conditions de travail rendaient le métier de chaufournier pénible ce qui pouvait avoir de graves conséquences sur la santé.
Les années 1870 marquèrent l’apogée de la production de chaux en Mayenne mais le déclin s’amorça 15 ans plus tard.

Sources : Chroniques de G. SAGET
Le patrimoine des communes de la Mayenne
Inventaire général du patrimoine, Conseil Général de la Mayenne