Les lecteurs du Courrier de la Mayenne connaissent la rubrique « Votre commune vue par un instituteur en 1900 » réalisée à l’aide des monographies consacrées aux communes du département. Ces monographies ont été mises en ligne par les Archives départementales et rendent ainsi hommage au travail réalisé en 1899 par les instituteurs et institutrices de la Mayenne. Cette œuvre collective fut présentée et récompensée à l’Exposition universelle de 1900.
Le cahier des charges de cette commande est des plus strict, tant sur le fond que sur la forme de la « copie » à rendre. Dans la circulaire de l’Inspecteur d’Académie du 7 janvier 1899, les consignes aux « hussards noirs de la République » sont claires. Voila comment cette circulaire commence :
« J’ai l’honneur de vous adresser ici le plan que vous aurez à suivre pour la rédaction de la monographie de votre commune. Je compte sur votre dévouement et votre savoir faire pour mener à bien ce travail que je recommande à tous vos soins, puisqu’il est destiné à l’Exposition universelle de 1900. Il devra me parvenir le 1er septembre 1899, au plus tard. » Monsieur l’Inspecteur d’Académie Le Balle insiste bien sur la date de livraison de sa commande en jouant sur la police de caractères.
La circulaire se poursuit dans un style toujours aussi « académique » et pointilleux (déformation professionnelle ?) par une longue énumération des différents points à aborder. L’ensemble devait se conformer à un plan très précis et revêtait un aspect plutôt « scolaire ». Les instituteurs devaient s’enquérir de nombreux renseignements qui allaient de la constitution géologique des sols à l’état d’instruction de la commune.
Le doigt sur la couture, les instituteurs du département se sont acquittés de cette tâche et nous offrent aujourd’hui un ensemble de 27 volumes. Cet ensemble de 268 monographies, dans lequel chaque auteur s’est attaché à décrire sa commune sous tous ses aspects, compose un tableau extrêmement riche et varié du département de la Mayenne, tel qu’il se présentait il y a un siècle.
La monographie de Forcé comporte 5 pages (titre et plan compris) mais n’en demeure pas moins intéressante. A l’époque, la population de Forcé était de 279 habitants dont presque la moitié se trouvait hors du bourg. Il est fait mention de 3 naissances, 1 mariage et 2 décès pour l’année 1898. L’agriculture est la principale activité de la commune. L’instituteur souligne que « l’outillage agricole est assez perfectionné : machine à battre, charrue à deux versoirs, faucheuse, moissonneuse ».
La fabrication de la chaux qui occupait une cinquantaine d’ouvriers est abandonnée. On compte cependant « environ 50 métiers à tisser dans la commune ». Les tisserands gagnent « assez péniblement 2 francs par jour et font des journées de 12 heures de travail » sans compter les heures des repas. Les moments de chômage correspondent aux périodes de fenaison et des moissons. Les ouvriers tisserands travaillent alors dans les champs et gagnent de 2 à 3 francs pour les hommes et entre 1 et 2 francs pour les femmes. Le travail est pénible, « la journée commence dés 5 heures le matin et ne se termine souvent qu’après 8 heures le soir ». Les ouvriers agricoles « qui se louent »pour une durée de 4 mois, « depuis la Saint Jean jusqu’à la Toussaint » peuvent gagner de 200 à 250 francs en moyenne. Les « domestiques de ferme » gagnent de 300 à 350 francs.
Il y a deux écoles sur la commune, une école communale mixte dirigé par un instituteur laïque et une école libre avec « école enfantine « dirigée par des congréganistes (sœurs d’Evron). L’effectif cumulé des deux écoles est de 54 élèves.
Les passionnés de géographie se réjouiront de savoir que « le point le plus culminant de la commune est la roche des Veaux au pied de laquelle coule la Jouanne qui traverse le bourg de Forcé et va se jeter dans la Mayenne, plaçant ainsi Forcé dans le bassin de la Loire ».
Dernière curiosité de la commune, « un cèdre de 110 ans » qui se trouve prés des étangs du château de la Mazure.
Malheureusement, la signature au bas de la monographie n’étant pas lisible, il n’est pas possible de rendre au rédacteur l’hommage qu’il mérite. A moins que la mémoire vive forcéenne puisse nous éclairer à ce sujet.
Source : monographie communale de Forcé et circulaire de l’Inspecteur d’académie du 7 janvier 1899